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Diversification De l'orge à la Til's Oise

Julien Grégoire, associé de l’EARL Jean-Baptiste Grégoire : « C’est une activité annexe devenue un temps plein. »

L’EARL Jean-Baptiste Grégoire, implantée à Thieux, dans l'Oise, exploite 300 ha de céréales. Julien Grégoire, associé depuis 2015 de l’exploitation familiale, a commencé en 2016 la production de bières à la ferme.

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« Je ne souhaite pas devenir un grand industriel de la bière. Mon but est que cette activité demeure annexe » , confie d'emblée Julien Grégoire, lors de notre visite du bâtiment accueillant le matériel de malterie, de brasserie et de conditionnement. « Pourtant, cette diversification occupe désormais un temps plein. » Dans une ferme aux bâtiments caractéristiques de la région située à Thieux, un village de l’Oise historiquement connu pour ses tilleuls à l'entrée de la commune, l'agriculteur s'est associé en 2015 à l'exploitation de ses parents, l'EARL Jean-Baptiste Gregoire. À la suite d'une mauvaise moisson l'année suivante, il prend l’initiative de créer une activité annexe afin d’assurer les éventuels coups durs. Fort d’un master en microbiologie et sélection végétale, il rénove sa bergerie pour la convertir en malterie. Lors de la récolte de l’orge, Julien Grégoire sélectionne une benne de 2 à 3 t de grains (4 à 6 t dans les prochaines années), dont il estime le potentiel pour la malterie suffisant. Ceux-ci sont stockés dans l’ancien système de silo puis prépurifiés avec un nettoyeur rotatif Denis SNS 104. Ils subissent ensuite à trois reprises un brossage mécanique.

Afin de germer, l'orge nécessite de l’eau et de l’oxygène. Il est donc immergé pendant deux jours dans une cuve carrée de 2 m de côté. Son humidité augmente alors de 11 à 40 %. L’ancienne bergerie de la ferme a été totalement rénovée pour permettre la germination des grains au sol. Une fois ces derniers transformés en malt vert, l’agriculteur procède au touraillage à l’aide d’un four de boulanger adapté par ses soins pour accueillir ce type de grain. C’est ici, en fonction du temps de cuisson compris entre 15 et 48 heures, qu’il choisit ses recettes de bières. La mise en place de cette malterie à la ferme représente un investissement de 50 000 €. « L’investissement pour le lancement de la malterie n’est ni rentable ni déficitaire, signale Julien Grégoire. Le prix de la matière première, l’orge, pour un brasseur représente la même somme que celle du matériel de touraillage. »

Les débouchés se multiplient

La commercialisation de la bière sur le marché de l’alimentaire se démarque de celle des produits traditionnels issus de l’agriculture. Julien Grégoire découvre une nouvelle clientèle, une autre gestion des investissements ainsi qu’une mentalité différente de celle du domaine agricole chez les intervenants du secteur alimentaire. En produisant lui-même la matière première, son projet s’inscrit dans une activité agricole pouvant entrer dans la gestion financière de l’EARL Jean-Baptiste Grégoire. S'il avait acheté l'orge auprès d’un autre producteur, cette activité serait considérée comme industrielle. Elle s'avérerait en outre moins protégée sur le plan concurrentiel, les magasins de producteurs ou contractuels favorisant de plus en plus les productions en circuit court.

 

Depuis quatre ans, il utilisait de simples cuves de 150 L. Le brassage réclamait une main-d’œuvre assez importante, avec des journées de travail pouvant atteindre dix heures. La crise de la Covid-19 ayant fortement ralenti ses ventes, Julien Grégoire a étudié un financement de 400 000 € pour un nouveau matériel de brassage et de conditionnement moins gourmand en main-d’œuvre. « Je suis passé d’une dizaine de cuves de 150 L à quatre cuves de 1 200 L, soit 1 000 L de bière par brassage contre 100 L auparavant », indique-t-il.

Quatre variétés de bières

Son nouveau système d’embouteillage, en cours d’installation, permettra une production maximale de 1 500 bouteilles de 33 cL à l’heure. Cependant, son objectif est de rester « petit » puisqu’il n’a ni les quantités ni le temps nécessaires pour pousser la machine dans ses retranchements. Il compte sur ce système pour produire en moins de temps plus de 100 hL avec 4 à 6 t d’orge par an.

Aujourd’hui, quatre variétés de bières sortent de la malterie : la Til’s Oise blonde, ambrée ou brune, et la Rhino Cirrhose blonde, conditionnées uniquement en bouteilles de 33 cL et 0,75 L, ou en fûts de 30 L. Leur taux d’alcool varie de 4,5 à 5,5 % en fonction des lots.

Une nouvelle variété de bière est en cours de conception avec un taux d’alcool plus fort destiné à la vente dans les bars. Depuis le début de cette activité, l’agriculteur distribue sa production en vente directe, dans des magasins de producteurs ou contractualisés. Les bars du village et ceux des villes étudiantes comme Amiens ou Beauvais l'ont vite démarché sans qu'il ait besoin de faire la publicité de ses produits. Dans les mois à venir, il espère étendre sa zone de chalandise à l'ensemble du département de l’Oise puis, dans les prochaines années, aux Hauts-de-France, en consacrant 50 % de sa production à la restauration.

Repères : Cycle de la fabrication de la bière selon la méthode de Julien Grégoire

De l’orge au malt

La trempe : pour germer, le grain d'orge a besoin d'eau et d'oxygène. Il subit un arrosage abondant couplé à un renouvellement important de l’air afin d’atteindre un taux d'hygrométrie compris entre 15 et 45 %. Cette opération dure de 30 à 45 heures. À la fin de la trempe apparaissent le germe et les racines naissantes, appelées « radicelles ».

La germination : le germe du grain d’orge se développe et entraîne d’importantes modifications biochimiques au cœur de celui-ci. Il libère et active de nombreuses enzymes qui apportent au malt toute sa richesse. La « couche » de grain étalée au sol à l’air libre va permettre la germination. Elle est continuellement mélangée et ventilée dans une pièce froide de façon à permettre sa respiration. Après trois à six jours, les radicelles fanent et deviennent du malt vert.

Le touraillage : lorsque le taux d’humidité a atteint un niveau suffisamment bas, le malt est chauffé à 85 °C durant quelques heures afin d’obtenir un « malt plat ». Cette opération élimine les molécules à l’origine de mauvais goûts et produit les arômes souhaités. Le temps du touraillage varie en fonction du choix de la recette. Le malt sort du four avec un taux d’humidité de 4 à 4,5 % pour la conservation du « malt doré » pendant plusieurs mois dans de bonnes conditions. C’est ici que l’arôme et la couleur de la bière sont créés.

Du malt à la bière

Le brassage : le malt doré, après broyage dans un concasseur, est mélangé à de l’eau (2 à 3 fois le volume d’eau chaude) dans une première cuve. Ce processus se nomme « le brassin ». Le degré d’alcool obtenu en bouteilles varie en fonction de la quantité d’orge versée dans cette cuve. Le brassin est chauffé à ébullition puis brassé dans une seconde cuve pour obtenir le moût. Après une cuisson de plusieurs heures, celui-ci est tamisé dans un filtre à presse afin de piéger les enveloppes du grain, appelées « drêches ». Il est ensuite transféré dans une chaudière à moût portée à 100 °C. Du houblon y est ajouté afin de conserver l’amertume et l’appellation « bière ».

La fermentation : une fois la cuisson terminée, les levures sont ajoutées au jus sucré. Ce dernier, appelé « le moût », fermente dans une cuve de vieillissement. De cette opération résulte une bière plate qui, très peu de temps avant la mise en bouteilles, est transférée dans une cuve tampon. À celle-ci, enfin, est ajouté un jus sucré afin de réaliser une deuxième fermentation en bouteilles.

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